Réforme linguistique controversée pour les cégeps anglophones

Virginie Mailloux
À la rentrée 2023, les étudiants francophones auront moins de chance d’être admis dans des cégeps anglophones, en raison de la loi 96.

La loi 96 marque une nouvelle ère pour les cégeps anglophones. La réforme caquiste de la loi 101, qui vise à protéger le français comme langue officielle au Québec, inquiète plusieurs futurs étudiants depuis son entrée en vigueur en juin 2022.

Virginie Mailloux

À partir de l’automne 2023, plusieurs mesures qui visent à ralentir l’anglicisation des jeunes québécois seront mises en place dans les institutions collégiales anglophones. Entre autres, le nombre d’étudiants issus d’un milieu historiquement francophone sera limité à 30 834 afin de freiner la hausse des dernières années. Selon le ministère de l’Éducation, 17,5 % des cégépiens de langue maternelle française fréquentaient un établissement anglophone en 2022. Pour ces derniers, trois cours de français seront obligatoires et ils devront réussir l’épreuve uniforme de français à la fin de leur parcours.

Une future étudiante du collège Dawson, Jasmin Moustafa, s’inquiète. « Le français ce n’est pas vraiment ma force, c’est pour ça que j’ai fait ma demande dans un cégep en anglais […] J’ai peur que l’épreuve soit trop compliquée pour moi », explique-t-elle.

La dissertation critique est une cause de stress pour plusieurs étudiants, car elle est obligatoire à l’obtention d’un diplôme d’études collégiales. La jeune femme est découragée. « J’ai fait mon primaire et mon secondaire en français et je ne pensais pas être obligée à continuer. Je ne pense pas que c’est nécessaire, je n’ai pas plus envie de travailler en français plus tard », avoue-t-elle.

Selon un enseignant de français et littérature au Cégep de Jonquière, Guillaume St-Pierre, la loi 101 nécessitait une actualisation. « S’il y a beaucoup de francophones qui fréquentent des cégeps anglophones, est-ce qu’on perd des locuteurs du français? Probablement », avance-t-il. Les chiffres de Statistique Canada montrent que pour les francophones, près du quart travaillent en anglais après avoir étudié dans cette langue. L’enjeu touche principalement la région métropolitaine de Montréal, où se trouve la majorité des établissements offrant un enseignement en anglais.

La pénurie de main-d’œuvre dans le milieu de l’enseignement soulève également le doute qu’il n’y ait pas assez de professeurs pour remplir les postes additionnels. Pour Guillaume St-Pierre, la loi 96 pourrait accélérer une action gouvernementale vis-à-vis le manque de personnel. « Plutôt que de s’en servir comme un prétexte pour ne pas donner des cours, prenons-le à l’inverse, amenons des gens dans la profession », propose-t-il.

D’ailleurs, la CAQ a récemment assoupli les conditions pour devenir enseignant.